vendredi 11 septembre 2015

PRÉCARITÉ.






Dunham, Cantons de l'Est, août 2015


De tous les vélos que vous avez essayé de votre vivant (ou même avant/après...), quel est celui que vous avez détesté le plus? En fait, vous n'en avez peut-être détesté aucun, et c'est ce que je vous souhaite. Il y en a peut-être un, par contre, que vous avez moins aimé que les autres. Ne vous gênez pas pour nous en parler dans la section des commentaires à la fin de ce message.

Personnellement, comme j'en ai déjà parlé ici, j'en ai possédé près d'une cinquantaine au fil des ans, sans compter tous ceux que j'ai essayés sans en être le propriétaire. Et, heureusement, celui que j'ai le moins aimé ne m'appartenait pas. En fait j'aimerais mieux marcher que de circuler là-dessus.

Ne cherchez pas du côté des marques ou des modèles, de la largeur des pneus ou de la provenance d'un quelconque pays ayant mauvaise réputation en tant que producteur de vélos. Encore moins du type de matériau dont est fait le cadre, car je suis de ceux qui sont convaincus que tous les métaux courants (incluant la fibre de carbone qui n'est pas un métal) peuvent donner de bons cadres si on sait y faire.

J'ai beaucoup aimé les tandems, mais j'ai moins aimé la triplette que j'ai essayé dans les rues de notre belle ville de Québec car la rigidité était déficiente. Ce n'est pas un commentaire fréquent de ma part, mais là, à trois hommes sur le vélo, on pouvait franchement sentir que le cadre d'acier était dépassé pas la situation. Une famille calme et paisible aurait mieux convenu.

J'ai essayé des vélos trop rigides pour moi, peu vivants à force de raideur. Des vélos qui voulaient me ramener à la raison lorsque je voulais sprinter ou grimper de manière vigoureuse. Mal soudés, ou conçus pour des plus costauds que moi.

Des vélos trop lourds, bien sûr, comme un peu tout le monde. Des patates qui semblent plus destinées à être vendues qu'à être utilisées.

Des vélos médiocres, indépendamment du poids. Des vélos conçus par des comptables qui n'ont aucun souci d'excellence, simplement désireux qu'ils sont d'atteindre un prix-cible dans la gamme d'une marque qui ne veut laisser aucun vide dans l'échelle des prix. Pro-Max, Microshift, Falcon, tous les moyens sont bons. Si vous voulez payer moins cher, trouvez plutôt un bon vélo d'occasion.

Non. Il y en a un qui me laisse un souvenir durable, puisqu'il m'a terrorisé, le  mot n'est presque pas trop fort. Ne le cherchez pas chez le marchand près de chez vous, il n'en vend probablement pas. Et même s'il voulait en offrir, peu de gens seraient preneurs, puisqu'il faut pratiquement être acrobate pour y prendre plaisir, ou maso, ou suicidaire. Il s'agissait d'un grand bi.

Vous ne savez pas ce qu'est un grand bi? Les Anglais appellent ça un penny farthing.



Contrairement à ce monsieur ci-dessus, j'ai réussi à le faire rouler. J'ai aussitôt été envahi par un sentiment de précarité qui , en plus, était accentué par le fait que je descendais un faux plat. Pas de frein? Mauvaise nouvelle lorsque vient le temps de faire un virage à 180 degrés! J'aurais mieux fait de descendre là plutôt que d'entreprendre cette maneuvre. Quoique, à bien y penser, le peu de  vitesse que j'avais acquise aurait pu me faire chuter.

J'ai réussi à revenir à bon port et à descendre de là sans tomber. Ne me demandez pas comment j'y suis parvenu.

En plus de la position, tout dans ces vélos donne un impression de rustique. Les pneus pleins, le métal très lourd, la simplicité mécanique. À côté de ça, un vélo à pignon fixe est complexe. De toutes façons, ces derniers sont plus complexes que bien des gens le pensent: tension de chaîne, ligne de chaîne, type de patte de fourche arrière, choix du braquet...

Les grands bis n'ont pas fait long feu. Leurs successeurs, qu'on appelle en anglais les safety bicycles, les ont détrônés en deux coups de cuillère à pot, à la fin des années 1880. Le contraire aurait été surprenant, et vous êtes bien placé pour le savoir, puisque vous utilisez vous-mêmes un safety.

Alors la prochaine fois que vous verrez un grand bi passer, applaudissez son pilote. Il le mérite bien. Et ce ne sera pas moi.




Conversation cette semaine, à bâtons rompus, avec un jeune homme qui travaille dans un de ces magasins où l'on vend une des marques de vélo de premier plan dans l'industrie.

Il doit vendre des vélos de route très pointus à des clients dont les qualités athlétiques sont souvent... un peu moins pointues. Des vélos de très haut-de-gamme validés par les exploits des Euro-Pros.

Des problèmes à la pelletée: passage des câbles, entre autres. Mais surtout, mon préféré: ces nouveaux roulements de pédalier de type press-fit, c'est-à-dire qui sont mis en place dans le cadre simplement par pression simultanée des deux côtés.

Pour un jeu de direction, la recette ne pose aucun problème. Le stress est minime et aucune complication n'en découle. Le système, depuis le temps, a fait ses preuves et je n'ai jamais entendu quelqu'un s'en plaindre. Accessoirement, laissez-moi mentionner que, personnellement, l'utilisation de l'outil spécifique à la pose des cuvettes de direction est très agréable à utiliser. Son action progressive nous permet de voir ces cuvettes s'enfoncer doucement dans le cadre pour y élire domicile. On trouve son plaisir où on peut!

Pour un jeu de pédalier, par contre, c'est aberrant. Quand on sait que toute la force des jambes passe par cet élément, le fait de ne pas le visser en place ouvre grand la porte aux problèmes. Et il y en a. Par exemple, des craquements un peu sinistres, inquiétants, et très irritants qui se font entendre dès que la pression sur les pédales augmente. Les gens qui achètent ces vélos, au prix où ils sont vendus, ont des attentes qui ne tiennent pas compte de l'aventurisme auquel se livrent les concepteurs, autant chez les compagnies de vélos que chez les équipementiers qui leur fournissent transmissions, roues, etc.






Un autre élément qui déçoit beaucoup de gens, les freins à disque. Encore cette semaine, une cliente me disait à quel point elle regrette l'achat de ce vélo qui en est équipé. J'ai entendu ça trop souvent.

Les plus chanceux sont satisfaits du rendement. Et s'ils sont vraiment chanceux, le frottement plus ou moins permanent du disque sur les patins ne se produit pas sur leur vélo ou ne les agace pas vraiment. C'est sûr que, en pleine descente, il y a plein d'autres sons qui se font entendre.

Sur la route, c'est autre chose. Un tel son devient vite irritant, et c'est d'autant plus courant que les disques sont très fréquemment faux. Un outil est justement vendu pour les défausser, un peu comme pour les roues.

Les moins chanceux sont confrontés à une efficacité très déficiente, peu de temps après un ajustement pourtant bien fait. Ma cliente me disait qu'elle ne peut plus utiliser le vélo, et qu'elle le déteste depuis qu'elle le possède, il y a six ans de cela. Elle a toléré sa présence parce que, pendant certaines périodes, elle ne pouvait pas s'en servir de toutes façons.

Vous me direz peut-être qu'avec un équipement de bonne qualité, et un bon entretien, tout cela ne serait qu'un mauvais souvenir, un peu comme toutes les différentes sortes de freins. Mais faites un sondage auprès des cyclistes grand-public qui ont utilisé ces freins pendant quelques années et vous verrez ce que je veux dire.

Par contre, les compagnies de vélo vont continuer à vendre de telles machines, car ces freins donnent une apparence moderne qui impressionne une clientèle peu méfiante face aux entourloupettes des spécialistes de la mise en marché. Il faudrait suggérer le sujet aux journalistes de l'émission canadienne Marketplace. "The companies don't care." Dans cette émission, on ne parle pas de vélos, mais le problème est un peu le même: les compagnies sont d'abord et avant tout loyales envers leurs actionnaires.







Regardez votre montre avant de rouler sur une piste cyclable dans la région de Québec. Sinon vous pourriez avoir une mauvaise surprise:

http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201509/03/01-4897709-levis-une-amende-de-440-pour-setre-trouve-apres-23h-sur-une-piste-cyclable-en-velo.php


De toute évidence, nous ne sommes pas les seuls à voir un besoin de changement:

http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201509/04/01-4898008-pistes-cyclables-interdites-la-nuit-a-levis-lehouillier-ouvert-a-changer-le-reglement.php





Les sous-cultures du vélo prennent différentes formes:

The Underground Cycle Gangs of Los Angeles:
http://www.theguardian.com/cities/2015/sep/04/ride-hustle-kill-repeat-the-underground-cycle-gangs-of-los-angeles




R.I.P. E.S.T.

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