vendredi 4 mars 2016

ENTRE VOUS ET MOI...






À la Base de plein air La Découverte, février 2016.

Entre vous et moi, il circule parfois des rumeurs à l'effet que les magazines spécialisés ménagent un peu trop les compagnies de vélos et leurs produits dans leur contenu éditorial. Comme dans: on ne mord pas la main qui nous nourrit... Après tout, la pub', c'est beaucoup eux qui l'achètent.

D'où ma surprise lorsque j'ai vu l'autre jour ces commentaires du magazine (très) spécialisé Bicycle Retailer and Industry News qui émettait de sérieuses réserves sur le comportement des Trois Grands. L'industrie automobile américaine a GM, Ford et Chrysler, l'industrie américaine du vélo a Trek, Specialized et Giant. Même s'il faut spécifier qu'en fait Giant est taiwanais, quoique la compagnie fait de la conception aux USA.

En fait, ces grosses corporations font ce que les grosses corporations ont l'habitude de faire, rien de très surprenant là-dedans. Et une de ces choses consiste à transformer les magasins indépendants en magasins... dépendants. C'est-à-dire, des concessionnaires qui ne vendent qu'une seule marque, justement à l'image de ce qui se passe dans le monde de l'automobile.

Giant a d'ailleurs perdu un procès aux USA, récemment. La compagnie avait vendu une quantité considérable de produits à un détaillant, pour ensuite ouvrir un de ces concept stores tout près. Cette indélicatesse leur a coûté cher. Il y là tous les ingrédients pour donner lieu à une guerre de prix et le résultat n'aurait pas été à l'avantage du détaillant qui a finalement gagné le procès. En Amérique du Nord, les détaillants sont chatouilleux sur ce point, et les fournisseurs le savent parfaitement bien.

Donc, le magazine BRAIN a récemment (1er février 2016) commenté l'évolution de la situation en ce qui concerne la position des Trois Grands. Avec un ton que j'ai rarement vu durant toutes ces années où j'ai lu divers magazines spécialisés. Mais, à bien y regarder, les compagnies de vélo, et surtout les Trois Grands, ne font pas de publicité dans les pages de BRAIN, d'où une plus grande liberté éditoriale.




Je vous suggère quelques lignes tirées de ce numéro, traduites par mon moi-même:

"La plupart des détaillants voient la décision de Trek de vendre directement aux consommateurs par le biais d'Internet - avec les détaillants qui servent de point de cueillette - comme le signe avant-coureur d'une évolution défavorable de leur situation. Le poids grandissant des Trois Grands -Trek, Specialized et Giant - dans le but de contrôler le marché, ainsi que le trop grand nombre de détaillants, est une crainte partagée par les détaillants indépendants et les distributeurs. Même si personne n'ose le dire, leurs stratégies combinées font montre d'un comportement purement oligopolistique. Et tout contre-argument à l'effet que les détaillants indépendants peuvent choisir parmi des douzaines de marques de vélos est fallacieux. Aussi, la pression continue sur les distributeurs annonce des changements majeurs au cours des trois à cinq prochaines années, avec des conséquences imprévisibles pour les détaillants."


Et si le contre-argument dont il est question ici vous échappe, laissez-moi vous l'expliquer.

Du point de vue du consommateur, en réalité, un vélo proposé par les Trois Grands ne sera probablement pas meilleur à tous coups que celui proposé par une marque alternative de second plan, qui aura d'ailleurs souvent moins investi dans les commandites de tout poil. Mais du point de vue du détaillant, qui voudrait vendre des Fuji, des Raleigh ou des KHS s'il peut offrir une marque à grande visibilité comme Trek, Specialized ou Giant? Il en vendrait plus, et ce sera donc plus profitable. Quels compromis le détaillant est-il prêt à faire pour avoir accès à une de ces trois marques à profil haut? Ne plus vendre aucune autre marque, par exemple? Et/ou quoi d'autre encore?

Quant à moi, au cas où vous ne le sauriez pas déjà, j'ai mis tout ce beau monde à la porte. Depuis plusieurs années, j'ai arrêté de vendre toute autre marque que la mienne (Falardeau). Je respire mieux, et je suis bien plus fier de ce que j'offre, en plus de le connaître mieux.

Donc comme dirait George Carlin: "I have no stake in it." (Ce n'est pas un enjeu pour moi.)




De tous les Salons du Vélo que j'ai visités, celui de Taipei (2 au 5 mars 2016) est celui que j'ai le plus aimé, sans l'ombre d'un doute. C'est le plus gros, le plus imprévisible

Plus gros à cause du nombre de manufacturiers qui produisent à proximité.

Plus imprévisible parce qu'on y trouve beaucoup de sous-contractants qui produisent des prototypes pour les offrir aux différentes compagnies de vélos, quitte à faire des concepts qui ne sera pas capables d'intéresser un éventuel acheteur. Parfois les couleurs sont le reflet d'une culture asiatique très différente de la nôtre.

On y trouve de tout, du vélo pour enfant à trois sous jusqu'au modèle carbone/électronique dernier cri. Certains employés dans les stands ne parlent même pas anglais, mais on peut y être très bien reçus, surtout si on peut faire montre d'un peu de respect pour l'étiquette locale. On tend sa carte d'affaire avec les deux mains, et ils préfèrent parler avec le patron plutôt qu'un simple employé. C'est-à-dire, celui qui a l'argent dans les poches et qui a le dernier mot dans la façon dont il est investi.






Les dimanches de Stefan Rusconi sont presqu'aussi intéressants que les miens: "Sunday"

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