En plus de la fabrication, Bicycles Falardeau enr. offre également des services de réparation et de restauration. On nous apporte ces vélos que vous voyez passer tous les jours. Mais, à l'occasion, on nous apporte aussi des vélos qui sortent de l'ordinaire. Et récemment, en l'espace d'une semaine, j'en ai eu trois différents entre les mains.
Le plus inhabituel d'abord. Tous les Canadiens ont vu des vélos CCM. La marque existe depuis longtemps, et c'est une marque économique à grande diffusion. Le nom a été racheté par la compagnie beauceronne Procycle qui l'a modernisée. Mais la compagnie ontarienne originale fabriquait des vélos qui, à défaut d'être raffinés, étaient généralement assez bien assemblés.
Par contre, peu de gens connaissent les CCM de haut-de-gamme fabriqués à Weston, il y a de cela plusieurs années. À ma connaissance, ils ont été vendus sous deux noms de modèles différents: le Tour du Canada, et le Silver Ghost. Typiquement faits d'acier Reynolds 531, il s'agissait de vélos de course sur route surtout. J'en ai personnellement possédé un qui était un cadre de piste datant probablement du début des années '50. Ne vous y trompez pas: c'était un authentique vélo de compétition fait pour pousser du braquet et faire souffrir les adversaires. La vocation était claire, et les sensations agréables se comparent avantageusement avec des vélos bien plus jeunes.
Celui que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous est un vélo de route datant des années '70 et lorsqu'on s'approche, on s'aperçoit rapidement qu'il s'agit d'une machine sérieuse. Roues à boyaux, et groupe Campagnolo complet. Pas de pièces Modolo ou Miche là-dessus. Tel que sur la photo, avec son support à antivol un peu incongru, il pèse 10.16 kg. Pas de surprise.
Sa peinture a souffert lors de l'entreposage, ces dernières années. Nous sommes à travailler sur un projet visant à le préserver et à le restaurer. Il faut le faire, car c'est un vélo de valeur, et on n'en voit plus beaucoup. Heureusement, il n'est pas tombé entre les mains d'une personne qui n'en connaît pas la valeur, comme c'est parfois le cas avec ce genre de vélo qui peut être perçu comme étant un banal "dix-vitesses" comme on les appelle encore ici au Québec. Il possède d'ailleurs justement une roue libre vissée à cinq pignons. Le pédalier, lui, est équipé de deux plateaux dont la différence de grosseur n'est pas grande, comme c'était souvent le cas à cette époque. Faiblards s'abstenir, et bonjour les côtes!
Il est de la même couleur que le cadre de piste que j'ai possédé, un bleu foncé très sobre et pas très excitant. Mais je le repeinturerais de la même couleur, pour respecter l'esthétique d'époque. Parfois il faut savoir laisser ses goûts personnels au vestiaire. On ne possède jamais complètement une telle machine, elle appartient au patrimoine et devra être confiée (par le biais d'un don ou d'une transaction) à une personne responsable qui saura la garder vivante et fonctionnelle.
René Falardeau, ancien propriétaire de mon entreprise et fils du fondateur Henri, affectionnait une vieille voiture. Il s'agissait d'une Dodge Custom Royal 1957 dont il était le propriétaire d'origine (jusqu'à son décès en 1991) et il en prenait grand soin, évitant de l'utiliser quand le temps n'était pas clément. C'était une espèce de paquebot à deux portes (et quelles portes!) équipé d'un V8 typique de l'époque. Elle prenait la route avec assurance, affichant fièrement ses chromes qui étaient la fibre de carbone de cette génération-là. Les offres d'achat n'étaient pas rares et quand est venu le temps, René n'a eu qu'à choisir son acheteur. On m'a dit qu'il la possède encore et qu'elle reçoit l'attention appropriée. Je n'ai personnellement aucun intérêt pour les gas guzzlers américains et c'est une bonne chose qu'on ne me l'ait pas donnée ou vendue car je n'étais pas l'homme de la situation et René le savait bien. J'aimais les vélos autant qu'il aimait les V8.
J'en profite pour vous dire que nous pouvons offrir le service de restauration. Nous allons le repeindre en respectant la couleur d'origine, et j'ai accès à des pièces neuves mais démodées, comme par exemple une chaîne 5 vitesses proposée par la marque allemande Wipperman. Le prix d'une restauration est fixé selon l'ampleur des travaux, mais attention, lorsque les vélos sont vraiment très vieux, les contraintes techniques peuvent représenter un défi majeur.
Le plus italien ensuite. Il s'agit d'un Colnago de route, dont les roues ne sont évidemment pas d'origine. D'abord, pour ceux qui ne connaîtraient pas la marque, c'est une compagnie fondée en 1954 qui s'est beaucoup impliquée dans la commandite d'équipes professionnelles. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que les cadres seraient bons, mais dans ce cas-ci, ils le sont. Tout au plus, certaines séries ont une rigidité qui convient mieux à un Superman qu'à un sportif banal dans mon genre.
L'exemplaire qui m'est arrivé l'autre jour est un vélo que j'ai vendu neuf, il y a vingt ans. Le jeu de tubes est un Columbus SL, un acier classique chez les coureurs amateurs circa les années '70 et '80. Le cadre en question était le modèle de base chez Colnago, celui qu'on achète lorsque le budget ne permet pas un acier plus sophistiqué, un alu comme le Dual, un carbone (Carbitubo) ou un titane (Bititan). En fait, le premier Colnago que je me suis procuré était un Tretubi, durant les années '80. Il s'agissait d'un jeu de tubes modeste, un peu lourdaud et pas très rigide, même pour moi. Pas assez pour poser un réel problème, mais assez pour être perceptible à haute vitesse dans une courbe.
Il arrive régulièrement, avec les vélos de haut-de-gamme, que le propriétaire ait fait sufisamment attention à son vélo pour que, après vingt ans, la peinture soit pratiquement intacte.C'est un régal pour l'oeil, d'autant plus que, en 1995, Colnago avait mis au point des façons de peindre les vélos différentes de l'époque où on leur reprochait des robes ternes. Leur formule "Art Decor" a d'ailleurs été copiée par de très nombreuses compagnies de vélo par la suite.
Malheureusement pour nous au Canada, la marque a été longtemps distribuée par une compagnie (N. A. B.) qui a su se mettre à dos une bonne partie des détaillants avec qui elle faisait affaire. On m'a dit que Procycle, à Saint-Georges-de-Beauce, offre maintenant leurs produits, et c'est probablement une bonne chose.
Après avoir roulé sur leurs produits pendant dix ans, j'ai donné ma démission. Il y a une chose très simple à comprendre avec de tels cadres. étant donné leur prix élevé, à prix égal, le produit fini sera plus lourd parce que le budget est trop accaparé par le cadre. On doit donc l'habiller avec des pièces moins onéreuses, donc normalement moins légères.
Peut-on faire un aussi bon cadre pour un montant moins élevé? J'en étais convaincu. Leur coût élevé vient en partie des dispendieuses commandites qui visent à en faire la promotion, ainsi que des peintures élaborées qui les transforment. Difficile de savoir exactement quelle part du budget de la compagnie la recherche et le développement représentent, d'autant plus que je ne compterais pas sur un industriel italien pour être transparent à ce sujet.
Tom et Ray Magliozzi racontaient récemment que les Italiens mentent de 7 à 10 fois par jour, en moyenne. 27% des mensonges visent à couvrir des erreurs, 42% pour éviter des conflits, 21% pour le bien d'autrui. Les 10% qui restent? Ils nous disent que c'est pour pratiquer...
Pour concevoir des cadres, je n'ai pas essayé de réinventer la roue. J'ai plutôt utilisé des proportions et des géométries qui me plaisaient. Reste le jeu de tubes, étape cruciale dans le travail de conception. Le consommateur moyen est loin de mesurer l'impact de ce choix sur le produit final. Si un vélo n'est jamais meilleur que son cadre, un cadre n'est jamais meilleur que son jeu de tubes. Je ne veux pas seulement dire par là qu'il faut qu'il soit de qualité, ce qui est un terme un peu ambigü qui peut vouloir dire différentes choses, mais bien qu'il faut que ce jeu de tubes soit approprié aux intentions du concepteur et adapté aux besoins du cycliste.
Finalement, une marque que je ne connaissais pas, C. Itoh. Ça semble être une marque japonaise qui possédait un catalogue allant de l'entrée de gamme jusqu'aux vélos équipés Dura Ace. Le vélo n'est pas exceptionnel ou particulièrement raffiné, quoiqu'en changeant la selle et les leviers de freins, on pourrait en faire un vélo à peu près potable, en espérant que le guidon ne soit pas trop étroit comme c'était habituellement le cas à cette époque. Pour ce qui est des pédales, je vous laisse juge. Mais ce n'est certainement pas un vélo méritant un gros budget. Quelques autres photos:
World's Finest, rien de moins!
Accessoirement, je mentionne aussi le passage en mes murs d'un Raleigh équipé d'un moyeu arrière trois-vitesses Sturmey-Archer avec moyeu avant à dynamo. Plusieurs clients qui l'ont vu l'ont trouvé sympathique avec son style rétro. Malheureusement, c'est passer un peu vite par-desssus le fait que la bête pèse la bagatelle de 17.73 kgs, 39 belles grosses livres et malgré ça, il est équpé de freins dignes d'une Lada passée date. Candidats au suicide, inscrivez-vous ici. Sans compter le fait que l'étagement des trois vitesses est souvent savamment calculé pour que le développement proposé ne soit presque jamais où on voudrait qu'il soit.
Quelques informations sur les antivols de vélo:
http://www.protegez-vous.ca/un-cadenas-fiable-pour-mon-velo.html
Great Black Music: Ancient to the Future, Afro Blue (composé par Mongo Santamaria, et popularisé par John Coltrane)