lundi 11 mai 2009

SIMPLICITÉ VOLONTAIRE



LE PISTARD

J'étais dans le garage de monsieur Poliquin, à sa résidence. Les gens l'appelaient ''Paulo''. Je ne suis pas sûr, je crois que son vrai nom est Léopold (ou était-ce son père?). J'étais en sa compagnie et je regardais ce qu'il pouvait m'offrir comme vélo d'occasion à retaper pour revente. J'ai cliqué immédiatement quand je l'ai vu: un cadre de piste en tubes Reynolds 531, le classique par excellence. Il porte l'emblème de la marque CCM, mais il n'a peut-être pas été soudé/peint par CCM. Il a peut-être été fait en Angleterre (pour CCM), qui était à cette époque un lieu de production courant pour de tels cadres. Quelqu'un m'a dit qu'il datait probablement de 1951, mais je ne peux vérifier.
Je l'ai eu pour une bouchée de pain, à cette époque (circa 1990) ces vélos n'étaient pas populaire et Paulo était un peu surpris de mon intérêt. Je l'ai reconstruit pour la route, en gardant sa formule de transmission à pignon fixe: 50/20 (le nombre de dents av/ar). C'est un des meilleurs cadres acier que j'ai eu, un peu raide, mais pas trop, quand même confortable sur mauvaises surfaces, pas très lourd, assez rigide et franchement nerveux.
Les haubans sont minces et, particularité inhabituelle, ajourés à leur extrémité supérieure. Un peu comme une paille. J'ai fait couler un peu d'huile dedans pour prévenir la rouille. La peinture est d'origine, mais pas la fourche.
Je me suis amusé parfois à rouler avec des cyclistes en vélo moderne, sans leur dire que je n'avais pas de dérailleur. Parfois, ils n'avaient aucune réaction, parfois oui, mais à retardement. Il m'est même arrivé une fois de me payer la gueule d'un fibre-de-carboniste en montant une côte raide plus vite que lui. Le handicap surgissait lorsque venait le temps de descendre. Quoiqu'il m'est arrivé d'atteindre plus de 50 km/h avec mon 50/20. C'est une très bonne école pour apprendre à pédaler. Mon braquet me permettait de faire 90 tours/minute à 30 km/h.

Je l'ai vendu l'an dernier parce que j'avais arrêté de m'en servir à chaque mois d'avril pour débuter la saison. Comme je ne lui voyais plus d'utilité dans mon écurie, j'ai décidé de m'en départir et lui ai trouvé un nouveau propriétaire très au fait de cette tendance ''fixie'' qui s'est répandue en Occident ces dernières années. Il l'a modifié à son goût et le résultat est très moderne. Ai-je besoin de vous le dire: oui, il l'aime beaucoup, c'est indéniablement un très bon cadre.

Il y a d'ailleurs un débat à savoir si c'est une mode ou si le vélo à pignon fixe (ou à roue libre monovitesse) est vraiment là pour rester. Dans une ville côteuse comme Québec, ce n'est pas l'idéal tout le temps, mais je peux comprendre l'engouement actuel, surtout lorsque le terrain est plus plat. Une forme de simplicité volontaire. Très zen. Mais cet engouement peut-il durer 10 ou 20 ans sans s'effriter? On verra.

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Is this America? (Katrina 2005).
C'est le titre d'une pièce interprètée par Pat Metheny et Charlie Haden à l'émission de Elvis Costello vendredi/samedi dernier. On y trouve toujours des invités de haut niveau, et cette semaine ne faisait pas exception: une longue entrevue avec Bill Clinton, suivie de cette pièce qui posait une question bien embarassante pour les autorités de l'époque. D'un côté, la population pauvre a particulièrement souffert des conséquences de cette tempête, et continue d'en souffrir. D'un autre côté, il semble que certains responsables (le sont-ils vraiment?) ne savent rien de l'importance que la Nouvelle-Orléans a pu avoir dans l'histoire de l'Amérique. Et pas seulement l'histoire de la musique. C'était un port de convergence: les bateaux arrivaient du Mexique, du Brésil, de l'Afrique, de l'Europe, des Iles Britanniques et d'ailleurs. Il y a eu là un métissage intense, un brassage socio-culturel unique dans l'histoire de l'humanité. Et la désinvolture dont a fait preuve l'administration Bush dans la gestion de la crise est à l'image du scandale qu'a été le trop long règne de G. W. B.

Pat Metheny ne pouvait jouer une telle pièce sans émotion. Et Charlie Haden est toujours aussi pertinent, malgré l'âge ses mains continuent d'être subtiles et chaleureuses. Regardez-les sur www.youtube.com:
http://www.youtube.com/watch?v=nF_2tqNoxMo

À bientôt.

1 commentaire:

  1. Magnifique vélo! Je suis très fan de mon fixie, du pur plaisir (avec des freins par contre, je tiens à ma vie). Simple, efficace, confortable, si peu d'entretien. Ceci dit, il ne faut pas en faire une religion non plus, 27 vitesses, c'est tout autant agréable.

    Est-ce que les fixies vont rester? Oui. Et non. L'engouement va partir, les cyclistes vont rester, ce qui est aussi vrai pour tous les "weekend warrior" qui s'achètent des bombes à 4000$ et qui pédalent les genous écartés. Vont-ils encore en faire dans 10 ans? Problabment qu'ils seront passés à autre chose, la nouvelle mode.

    Si je peux m'aventurer dans des prédictions: ce qui va couler les fixies sous leur forme actuelle est probablement le culte, voire l'intégrisme qui les entourent. Rouler sans frein est esthétiquement fort intéressant et sportivement un beau défi (en plus de faire qu'un avec sa machine), mais ni très pratique ni sécuritaire. Un arrêt d'urgence est plus facile exécuté avec des freins que sur le "skid". La mode est sûrement un autre facteur de risque; une ballade sur internet vous convaincra que s'habiller pour faire du pignon-fixe est un sport d'élite qui ne plait (et ne plaira) pas à tous. L'image qui s'en dégage est celle d'un petit cercle fermé de connaisseurs habillés stretch.

    Finalement, la géométrie excessivement agressive et compacte de certaines montures fixes est tout simplement mal adaptée à la ville. L'impossibilité de mettre des gardes-boue ou des pneus plus polyvalents rend la chose moins attrayante pour les rues défoncées du Québec.

    Reste à voir si les fixters d'aujourd'hui vont se lancer dans les "Dutch bikes", mode en émergence dans les villes américaines. Je suis quand même curieux de voir la mode passer de vélo de piste de 18 lbs à des tanks trois vitesses de 50 lbs avec des dynamos. Ça aura le mérite de faire rouler les boutiques de vélo.

    ps: Commentaire final sur les modes du vélo: dans le fond, tant que les gens roulent, est-ce que c'est si grave de savoir sur quoi ils roulent? Whatever floats your boat!

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